LOS CUBANOS (2016)
« La pluie continue de tomber ce matin par petites intermittences chagrines. Je sors, camara en bandoulière, parapluie comme une épée tenue par le ceinturon du père. Pas de sac à dos, pas de guide, pas de plan. Direction le Malecón pour me rendre à pieds à la vieille ville.
Passé l'ambassade des états-unis, je bifurque et traverse la calle 23 quasi au pied de l'hôtel Habana libre qui s'appelait « Hilton » avant la révolution. Je traverse toutes sortes de rues, de quartiers, toujours dans un bruit de voitures, de camions, de motos. Premier contact avec le zoo des touristes : la rue-galerie d'un artiste cubain qui écrit des sentences sur les murs. Je finis par me décoller du type qui veut me fourguer sa came et dit poliment à celui qui veut me vendre un jus de citron rhume à 5 Cuc dans sa cave humide que c'est trop pour mon budget.
Sortie de ce piège à touristes, je poursuis mon chemin vers la vieille ville. Il pleut abondamment et je zigzague sur les trottoirs costauds mais défoncés, plein de nids de poule qui dégorgent leurs eaux usées. Puis soudain, me voilà arrivée. Les bâtiments ont l'air flambants neufs. Des touristes partout ; je tombe par hasard sur la fameuse rue Obispo, la remonte ; la pluie a cessé ; une mendiante me fait la conversation tout en marchant et me voilà face au Capitole. Un top model attend d'être photographié ; je la shoote discrètement : elle m'a vue mais ne me regarde jamais. La Havane est une femme. Elle est fière et son autorité a la douceur de la persuasion. J'apprendrai plus tard avoir traversé des endroits qu'aucun étranger ne saurait voir. Mes pas ont eu une chance certaine, il ne m'est jamais rien arrivé de fâcheux. Seuls mes yeux ont souffert quand en plein jour, il faisait décidément nuit ».
Extrait de mon journal de voyage, de Santiago à la Havane, Cuba, décembre 2016.
“The rain continues to fall this morning, shortly, with sad intervals. I go out, camara slung over my shoulder, umbrella like a sword, held by my father's belt. No backpack, no guide, no plan. Direction to the Malecón to walk by foot to the old town.
After the US embassy, I turn off and cross calle 23 almost at the foot of the Habana Libre hotel, which was called “Hilton” before the revolution. I cross all kinds of streets, neighborhoods, always surrounded by the noises of cars, trucks, motorcycles. Then, first contact with the tourist zoo: the gallery street of a Cuban artist who writes sentences on the walls. I end up taking off the guy who wants to sell me his stuff and politely say to the guy who wants to sell me cold lemon juice for 5 Cucs in his damp cellar that it's too much for my budget.
Leaving this tourist trap, I continue my way towards the old town. It's raining heavily and I zigzag on the steep but broken sidewalks, full of potholes that disgorge their sewage. Then suddenly, here I am. The buildings look brand new. Tourists everywhere; I come across the famous Obispo street by chance and go up it; the rain has stopped; a beggar woman talks to me while walking and here I am facing the Capitol. A top model waits to be photographed; I shoot her discreetly: she saw me but never looks at me. Havana is a woman. She is proud and her authority has the sweetness of persuasion. I will learn later to have crossed places that no foreigner could see. My steps have had a certain chance, nothing bad has ever happened to me. Only my eyes suffered when in broad daylight it was definitely dark.”
From my travel diary, from Santiago to Havana, Cuba, December 2016.
© Anne Bichon